Cour de cassation, chambre commerciale, 9 février 2022, n° 20-10.753

Inscrire un bien au bilan d’une entreprise ne signifie pas pour autant qu’il soit nécessaire à son exploitation. La décision que vient de rendre la Cour de cassation nous permet de faire une petite piqûre de rappel : si inscrire des biens au bilan fait présumer qu’ils sont affectés à l’exploitation, cette inscription ne démontre nullement qu’ils sont nécessaires à celle-ci. 

On sait que l’article 787 C du CGI permet, sous certaines conditions, une exonération à hauteur de 75 % des droits de mutation à titre gratuit sur l’ensemble des biens (meubles ou immeubles, corporels ou incorporels) affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

La doctrine administrative précise que les seuls biens affectés à l’exploitation ouvrant droit à l’exonération partielle sont ceux nécessaires à l’exercice de la profession, peu important leur inscription à l’actif du bilan (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40 n° 10).

Au cas d’espèce, après le décès d’un exploitant agricole, ses héritiers ont revendiqué le bénéfice du régime « Dutreil ». L’administration fiscale a remis partiellement en cause l’assiette de l’abattement  au motif que les héritiers avaient fait entrer dans leur calcul des biens qui n’étaient pas nécessaires à l’exercice de la profession : trois biens immobiliers, des valeurs mobilières de placement et des sommes provenant de la succession de la femme de l’exploitant. 

L’administration a abandonné la rectification portant sur les trois locaux d’habitation mais l’a maintenu s’agissant des fonds provenant de la succession et des valeurs de placement.

Après avoir été déboutés en première instance et en appel, les héritiers se sont pourvus en cassation, estimant que l’entier actif circulant devait être pris en compte.

La Cour de cassation rejette le pourvoi, précisant que… « si, en ce qui concerne les entreprises individuelles, l’inscription des biens meubles et immeubles, corporels ou incorporels au bilan, ou leur mention sur le document en tenant lieu, en font présumer le caractère affecté à l’exploitation de l’entreprise, l’administration a la faculté de rapporter la preuve qu’ils ne sont pas nécessairement et effectivement affectés à celle-ci ». 

Il faut donc bien se garder de penser que tous les biens inscrits au bilan sont automatiquement pris en compte dans l’assiette de l’abattement « Dutreil ». S’agissant en particulier des liquidités, elles ne pourront être prises en comptequ’à condition de ne pas dépasser les besoins normaux en trésorerie de l’entreprise.

Cette décision illustre la supériorité de la transmission des droits sociaux de la société qui possède l’entreprise sur la transmission de l’entreprise elle-même. En effet, dès lors que la valeur réelle des actifs professionnels figurant au bilan excède celle des actifs à caractère patrimonial, c’est la valeur totale des parts sociales qui bénéficie de l’abattement « Dutreil ».

On se demande vraiment pourquoi il existe encore des entrepreneurs individuels…