(CE 21 juin 2022, n° 449408)

On se souvient que le Conseil d’Etat a récemment jugé à propos d’une SOPARFI luxembourgeoise que pour déterminer le caractère privilégié du régime fiscal étranger pour l’application de l’article 123 bis du CGI, il convenait de comparer le poids de ses impôts avec ceux qu’elle aurait supportés si elle avait été établie en France et que pour effectuer cette comparaison, il était nécessaire d’appliquer le régime mère-fille de l’article 145 du CGI nonobstant son caractère optionnel (https://blog.bornhauser-avocats.fr/2022/03/larticle-123-bis-du-cgi-est-il-applicable-aux-soparfi/).


Saisi de l’application de l’article 123 bis à une société holding établie à Gibraltar, le Conseil d’Etat vient de juger que pour asseoir l’impôt sur le bénéfice de la société, il convenait également d’appliquer le régime mère-fille et donc d’exclure 95 % des dividendes perçus de ses filiales.


Cette décision, qui ne fait que confirmer la doctrine administrative (BOI-RPPM-RCM-1°-30-20-20, n° 320), peut difficilement être qualifiée d’arrêt de principe, mais son rapprochement avec l’arrêt du 4 février 2022 peut apparaître troublant. Le trouble disparaît toutefois lorsqu’on lit attentivement les faits de l’espèce.


En l’occurrence, un contribuable résident en France mais ayant des affaires importantes en Bulgarie dont il se prétendait à tort résident, possédait notamment une société à Luxembourg et une holding à Gibraltar qui possédait plusieurs filiales en Bulgarie. La société luxembourgeoise n’était pas une holding et avait facturé divers services dont elle avait sous-traité la réalisation à la société de Gibraltar, laquelle les avait fait manifestement réaliser par ses filiales bulgares car elle n’avait aucun salarié. Un schéma qui devait certainement présenter un intérêt en Bulgarie mais qui s’est retourné contre le contribuable lorsque sa résidence fiscale a été fixée par l’administration en France.


La holding de Gibraltar prétendant avoir rendu des services sur le produit desquels elle n’avait acquitté aucun impôt à Gibraltar, la question de son entrée dans le champ d’application de l’article 123 bis ne se posait pas dans les mêmes termes que pour la SOPARFI de l’affaire de février : le contribuable ne contestait pas le principe de son application. Ce qu’il contestait, c’était le refus des juges du fond de le taxer sur une base réduite de 95 % des dividendes qu’elle avait perçus de ses filiales bulgares qui, elles, étaient bien assujetties à l’impôt. Il n’y avait donc aucune raison de lui refuser le bénéfice de cette mesure et la cassation était inévitable.


Cette décision n’éclaire donc en rien la question ouverte par l’arrêt de février 2022. Elle s’inscrit simplement dans sa lignée en considérant, à l’instar de la décision de février qui a jugé que le caractère optionnel du régime mère-fille n’est pas un critère pertinent au regard de la question du champ d’application de l’article 123 bis, que le fait que l’article 145 ne s’applique par définition pas à une société étrangère n’en est pas un non plus.


En définitive, si la question du champ d’application de l’article 123 bis se règle en faveur de l’inclusion de toutes les structures étrangères qui bénéficient d’un régime d’exonération totale des dividendes de leurs filiales, les contribuables concernés ne seront pour autant taxés sur le bénéfice de la société étrangère qu’ils détiennent qu’à concurrence de la fraction taxable en France des dividendes perçus, à savoir 5 % de leur montant. Le même raisonnement devrait être applicable aux plus-values de cession de titres de participations.


C’est la question de la neutralisation de cette taxation sur la quote-part de 5 % lors de la redistribution des dividendes des filiales par la holding qui sera intéressante à traiter. Mais ceci est une autre histoire…