On se souvient qu’en 2016, la chambre commerciale de la Cour de cassation avait jugé que la dette de restitution dont le quasi-usufruitier est redevable envers le nu-propriétaire était déductible de la base de son Impôt de Solidarité sur la Fortune (Cass. com. 24 mai 2016, n° 15-17.788). Nous avions en son temps commenté cette décision ici : https://blog.bornhauser-avocats.fr/2016/06/la-dette-de-restitution-est-elle-deductible-de-lactif-taxable-a-lisf-du-quasi-usufruitier/)


Force est de constater que tant la suppression de l’ISF un an plus tard que l’incrédulité des contribuables quant à la portée de cette décision n’ont manifestement pas permis à des contentieux de prospérer. Cela dit, serait-il possible que cette décision puisse être transposée à l’IFI et permette ainsi à un quasi-usufruitier qui aurait investi des fonds dont il possédait le quasi-usufruit dans l’acquisition d’un bien immobilier de déduire de la base de son impôt sa dette envers le nu-propriétaire ?


L’hypothèse est celle où un actif démembré de manière classique est cédé et préalablement à la vente, les deux titulaires de droits démembrés sur le bien s’accordent pour que le prix de vente soit remis au seul usufruitier dans le cadre d’un quasi-usufruit.


Après la vente, les parties décident de conclure entre eux une convention de quasi-usufruit afin de prévoir les modalités pratiques de computation et de règlement de la créance du nu-propriétaire. Dans cette convention, les parties peuvent prévoir qu’en cas de remploi de tout ou partie des fonds en quasi-usufruit dans l’acquisition d’actifs, le nu-propriétaire pourra obtenir l’attribution des biens en question en nature pour leur valeur au terme de l’usufruit. Cette stipulation lui permettra, si les biens acquis en remploi se sont appréciés, de majorer le montant de sa créance de la plus-value acquise. Même s’il n’existe à notre connaissance aucune jurisprudence sur ce point, rien ne nous paraît s’opposer à ce que cette créance ainsi réévaluée soit déductible de la succession du quasi-usufruitier.


Au regard de l’ISF, nous avons vu que la Cour de cassation estimait que cette créance, fût-elle à terme, était bien déductible de la base de l’ISF. L’IFI étant un ISF limité aux immeubles, la réponse devrait-elle être pour autant identique ?


Contrairement à l’ISF qui était un impôt général sur le patrimoine comportant des exclusions de déduction des dettes assez limitées, l’IFI ne taxant que les biens immobiliers, le législateur a fixé très précisément les dettes déductibles, avec de nom:reuses clauses anti-abus. C’est l’objet du long article 974 du CGI.


La première condition fixée par le I. de l’article 974 est que la dette ait servi à financer l’acquisition d’un immeuble taxable. Sous réserve que la preuve du remploi puisse effectivement être apportée (par exemple, dans l’acte d’acquisition qui renvoie à la donation antérieure et à la convention de quasi-usufruit), cette condition nous semble pouvoir être satisfaite.


La seconde condition porte sur les clauses anti-abus. Si le nu-propriétaire est le conjoint ou l’enfant mineur du quasi-usufruitier, ce dernier ne pourra pas déduire sa dette envers lui, conformément au 1° du III. de l’article 974. En revanche, l’existence d’une convention de quasi-usufruit devrait permettre d’apporter la preuve du caractère normal de l’opération exigée par le 2° du même texte lorsque le nu-propriétaire est un enfant majeur du quasi-usufruitier. En effet, la liste des caractéristiques du caractère normal de la dette (existence d’un taux d’intérêt, d’un plan de remboursement, etc.) fixée par le texte ne présente pas un caractère limitatif, comme l’établit l’usage de l’adverbe « notamment ».


La règle qui prévoit l’amortissement obligatoire des dettes remboursables in fine ou sans terme nous semble en revanche bien applicable puisque cette créance ne devenant exigible qu’au terme du démembrement, à savoir le décès de l’usufruitier, elle est bien à terme. Son terme est incertain mais les tables de mortalité publiées par l’INSEE, qui permettent d’estimer de manière statistique l’espérance de vie de l’usufruitier, rendent possible une estimation de celui-ci. Nous ne pensons toutefois pas que cette possibilité d’estimation permettrait d’amortir la dette sur une durée inférieure à 20 ans dès lors que le terme du quasi-usufruit étant le décès de l’usufruitier, il est par définition toujours incertain en ce sens que contrairement à un contrat prévoyant un terme, celui-ci ne peut être fixé avec certitude. La dette doit donc selon nous être en tout état de cause amortie sur 20 ans à compter de sa naissance, à savoir l’acquisition de l’immeuble par remploi des fonds en quasi-usufruit.


Dernière question importante : le quasi-usufruitier peut-il déduire le montant nominal de sa dette ou sa valeur réelle ? A partir du moment où conformément à la convention de quasi-usufruit, le nu-propriétaire aura droit de se faire rembourser sa créance en nature, par attribution des actifs financés grâce au quasi-usufruit, il nous semblerait logique que le quasi-usufruitier puisse déduire sa dette (ou plutôt une quote-part de celle-ci compte tenu de la règle exposée au paragraphe précédent) pour sa valeur réelle, à savoir la valeur de la propriété ainsi financée au 1er janvier de l’année.


Le lecteur aura compris que notre position n’est aujourd’hui que prospective. Il ne tient toutefois qu’à lui de la soumettre au juge de l’impôt pour qu’il la consacre ou la rejette. Pour notre part, nous sommes à sa disposition pour l’assister s’il entend réclamer au fisc le remboursement d’une fraction de son IFI sur ce fondement.


Décidément, le quasi-usufruit est encore loin d’avoir livré tous ses secrets…