(TA Montreuil 10 janvier 2023, n° 2014649 et Ordonnance du 2 novembre 2022, n° 2014649 QPC)

Après un contentieux interminable, le tribunal administratif de Montreuil a fini par rejeter notre QPC fondée sur les articles 13 et 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 en considérant que comme cette imposition était à la charge de l’assuré, le bénéficiaire du contrat d’assurance-vie ne pouvait pas se plaindre que ses capacités contributives n’aient pas été respectées. Quant à l’article 16 de la même Déclaration, le fait que la loi fiscale ne détermine pas clairement le redevable de ces prélèvements était inopérant.

Il a ensuite rejeté notre recours fondé sur la violation de l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme en considérant que le redevable des prélèvements étant l’assuré, le bénéficiaire ne pouvait pas se plaindre de ne percevoir qu’un montant net au titre de la contre-garantie décès du contrat d’assurance-vie.

La seule satisfaction que ces décisions nous ont procuré est la confirmation que ces prélèvements sociaux étant bien à la charge de l’assuré, ses héritiers vont pouvoir en obtenir l’imputation sur l’actif successoral taxable et donc le remboursement des droits de succession acquittés à due concurrence. Pour autant, bien entendu, que le bien-fondé des prélèvements sociaux soit confirmé.

Or, le tribunal nous semble être passé à côté de l’essentiel dans cette affaire. Mais peut-être était-ce parce que nous n’avons pas su articuler clairement nos moyens ?

En substance, quand le bénéficiaire d’un contrat obtient le paiement des primes capitalisées à la suite du décès de l’assuré (qui était généralement le souscripteur du contrat), il reçoit aujourd’hui un montant diminué non seulement du prélèvement spécifique aux contrats d’assurance-vie dont les primes ont été versées avant les 70 ans de l’assuré, sur lequel il n’y a pas grand chose à dire, mais également des prélèvements sociaux lorsque le contrat était en unités de compte. Et c’est là que le bât nous semble blesser.

Si ces prélèvements sont à la charge du défunt, comme l’affirment avec raison tant l’administration dans ses écritures que les premiers juges, pourquoi devraient-ils être supportés par le bénéficiaire du contrat, qui est un tiers à la succession et qui récupère ces fonds en application des règles de la stipulation pour autrui ? Le défunt a des héritiers. Puisque c’est sa dette, elle leur est nécessairement transmise en application du droit des successions et c’est donc à eux qu’elle incombe.

En mettant cette dette à la charge d’un tiers, le bénéficiaire du contrat, la loi fiscale nous paraît violer les droits de ce dernier au respect de ses biens au sens de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme, comme son droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. A notre avis, elle viole également ses capacités contributives car elle lui fait supporter une imposition qui ne lui incombe pas. On peut même soutenir qu’en ne désignant pas clairement le redevable des prélèvements sociaux, la loi pêche par incompétence négative et même si le Conseil Constitutionnel exclut généralement ce grief du domaine des QPC, il lui est arrivé de l’admettre lorsque l’incompétence négative affectait un droit ou une liberté, comme le droit de propriété (Cons. Const. 27 septembre 2013, n° 2013-343 QPC).

La deuxième manche va se jouer devant la Cour Administrative d’Appel de Paris. Espérons qu’elle nous permette de saisir de cette intéressante question le Conseil Constitutionnel en transmettant notre QPC au Conseil d’Etat.