Réinvestissements éligibles à l’article 150-0B ter : La notion d’acquisition de titres donnant le contrôle est appréciée littéralement par le Conseil d’Etat
(CE 16 février 2024, n° 472835)
On sait que l’article 150-0B ter permet au contribuable qui apporte des titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés de bénéficier d’un report de la plus-value d’apport, report qui expire si les titres apportés sont cédés dans les 3 ans, à moins que plus de 60 % du prix de vente ne soit remployé dans divers investissements éligibles, parmi lesquels figure l’acquisition de titres d’une société ayant pour effet de donner à l’acquéreur le contrôle de cette dernière.
Le Conseil d’Etat était saisi d’une affaire où le contribuable avait fait preuve d’une ingéniosité certaine qui n’était peut-être pas strictement conforme à l’objectif du législateur, en ce sens qu’il avait apporté à la société A qu’il contrôlait des titres d’une société B qui en contrôlait une autre C, que la société B avait peu de temps après l’apport racheté ses propres titres apportés pour les annuler et la société A avait remployé plus de 50 % (taux passé depuis à 60 %) du prix de vente perçu dans l’acquisition de la majorité (à une part près) des parts sociales de la société C à la société B.
L’administration avait convaincu les premiers juges que la condition tenant au remploi n’était pas remplie en l’espèce puisqu’à travers la société B, la société A contrôlait déjà la société C.
Le Conseil d’Etat valide l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Toulouse qui avait au contraire estimé que du fait du rachat par la société B de ses propres titres en vue de les annuler, la société A ne contrôlait plus la société C lorsqu’elle avait procédé à l’acquisition de ses parts. Interprétant littéralement la condition sur l’air du « avant l’heure, c’est pas l’heure », le Conseil d’Etat valide une opération dont le caractère non-abusif n’était pas évident de prime abord.
Toutefois – et c’est le second enseignement de cette décision – les contribuables, décidément bien conseillés, avaient évité de prendre le risque de commettre un abus de droit en déclarant la plus-value d’apport puis en formulant ensuite une réclamation pour demander le dégrèvement de l’impôt et la mise en report de cette plus-value.
Décidément, en cas de doute sur le caractère abusif d’une opération, la meilleure attitude consiste à déclarer puis à réclamer. Au pire, si l’opération est considérée comme abusive, l’impôt ne sera pas remboursé mais aucune pénalité supplémentaire ne sera due. On comprend que le fisc n’apprécie pas vraiment la manœuvre…