On l’attendait de la Cour de cassation. Elle est venue du Conseil d’Etat. Enfin une définition de la holding animatrice claire, objective et pragmatique. Il ne reste plus à la Cour de cassation qu’à l’adopter…

On sait que la notion de holding animatrice irrigue plusieurs régimes fiscaux de faveur, certains relevant de l’imposition sur la fortune (ISF et IFI) et des droits de mutation à titre gratuit (donation et succession), donc de la juridiction de la Cour de cassation, d’autres relevant de l’impôt sur le revenu (plus-values de dirigeants partant à la retraite), pour lesquels le Conseil d’Etat est compétent.

 

C’est dans ce dernier domaine de l’article 150-D ter du CGI que le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur la notion de holding animatrice. Sa décision de plénière fiscale du 13 juin 2018 (n° 395495) est à cet égard riche d’enseignements pratiques.

 

Il ressort de l’examen des faits que la holding en question avait été créée lors du rachat d’une société d’exploitation par ses salariés. L’objet social de la société – et ce point s’est révélé crucial – prévoyait expressément que la société animait le groupe qu’elle contrôlait.

 

Autre élément important : la société n’avait pas conclu avec ses filiales des conventions d’animation, mais simplement des conventions d’assistance administrative et en matière de stratégie et de développement.

 

Dernier élément essentiel : la société ayant perçu d’important dividendes de sa filiale, la valeur proportionnelle de cette dernière avait décru au point de ne plus représenter que 56,2 % de l’ensemble de son actif si l’on raisonnait en valeur réelle, moins de 50 % si l’on ne considérait, comme l’administration invitait le juge à le faire, que la valeur historique d’entrée de la participation.

 

En résumé, l’administration estimait que d’une part la société n’était pas animatrice du groupe faute d’avoir conclu une convention d’animation avec sa filiale, d’autre part qu’elle exerçait une activité civile à titre principal compte tenu de la valeur de ses autres actifs rapportée à la valeur historique des titres de sa filiale.

 

Le Conseil d’Etat lui donne tort dans tous les compartiments du jeu.

 

Sur la notion d’animation, il écarte la nécessité d’une convention spécifique pour s’attacher au rôle exercé par la mère tel qu’il résultait des pièces produites. Or, ces dernières apportaient indiscutablement la preuve que la mère animait la fille en lui enjoignant de suivre la stratégie qu’elle avait fixée. Le Conseil d’Etat ajoute – et la précision est importante – qu’à partir du moment où l’activité d’animation est prévue dans les statuts, la société est réputée jusqu’à preuve contraire exercer directement une activité professionnelle. Si la dialectique de la preuve ne ressort pas bouleversée (les associés de la holding animatrice n’étant pas pour autant dispensés d’apporter la preuve concrète de l’animation réalisée), la charge de la preuve en sera facilitée pour le contribuable puisque ce sera à l’administration de commencer par fournir des éléments factuels démontrant l’absence de toute animation effective.

 

Sur la notion d’activité principale, le Conseil d’Etat valide le principe que celle-ci dépend du poids relatif de la participation animée par rapport à celui des autres actifs détenus par la holding. Ce faisant, il écarte implicitement mais nécessairement toute référence aux revenus des différentes classes d’actif, ce qui est une bonne nouvelle car le raisonnement en termes de revenus obligeaient les holdings à faire remonter les bénéfices des filiales animées, suscitant de fortes inquiétudes chez les actionnaires lorsque ces remontées étaient insuffisantes. Il rejoint en ce sens la position prise par la Cour d’Appel de Paris dans une affaire récente (8 mars 2018, n° 19/08688) où elle avait estimé que le critère du chiffre d’affaires était inapplicable à une holding animatrice. Il enjoint par ailleurs aux parties de raisonner non en valeur d’origine, mais en valeur réelle. Cette position de bon sens méritait d’être affirmée solennellement.


Le Conseil d’Etat a adopté une définition particulièrement opportune de la holding animatrice et les praticiens que nous sommes ne peuvent que se réjouir de son existence. Nous espérons maintenant qu’elle influencera, dans le cadre du Dialogue des Cours Suprêmes, celle de la Cour de cassation, qui tend actuellement à faire prévaloir l’existence d’une convention d’animation sur tout autre élément de preuve de l’existence de l’animation du groupe (en ce sens, Cass. com. 6 juin 2014, n° 13-11.420) et qui ne s’est pas encore prononcée sur les critères d’appréciation de la notion d’activité principale.