Par une décision commune n° 2019-832 QPC et 2019-833 QPC du 3 avril 2020, le Conseil Constitutionnel vient de rejeter nos deux QPC visant à obtenir le même traitement fiscal des plus-values en report selon qu’elles concernent des opérations d’échange de titres entrant dans le cadre de la Directive « Fusions » ou des opérations ne concernant que des sociétés françaises.


Ce faisant, il enterre solennellement la jurisprudence « Metro Holding » du 3 février 2016 (n° 2015-520 QPC) qui sanctionnait les discriminations à rebours ou par ricochet, dès lors qu’il considère que…« le respect du droit de l’Union européenne impose de renforcer la neutralité fiscale des opérations européennes d’échange de titres » et que… « la différence de traitement instaurée par les dispositions contestées (avec le droit européen) est fondée sur une différence de situation et en rapport direct avec l’objet de la loi ».
Au-delà de la déception d’être les premiers à subir ce revirement de jurisprudence, nous ne pouvons que déplorer cette décision que nous trouvons particulièrement inopportune pour des raisons que nous avions d’ailleurs exposées au Conseil lors de l’audience que le lecteur peut visionner ici : https://www.conseil-constitutionnel.fr/media/23097

En revenant quatre ans plus tard seulement sur une décision importante qui avait connu de nombreuses applications depuis, le Conseil Constitutionnel donne un piètre exemple en matière de stabilité de la norme, alors que cette instabilité, qui constitue un abcès de fixation pour les investisseurs étrangers, est régulièrement dénoncée par la Cour des Comptes et le Conseil des Prélèvements Obligatoires.


En cette période où l’Union Européenne a montré des signes de grave défaillance, le moins que l’on puisse dire est que le message envoyé au peuple français, à savoir qu’en cas de différence des traitement, les autres ressortissants européens seront toujours mieux traités qu’eux, ne s’imposait pas avec la force de l’évidence.
Notre dernier espoir repose maintenant

sur le Conseil d’Etat, qui pourrait sauver ce qui peut l’être en acceptant de revenir sur sa calamiteuse jurisprudence « Ambulances de France » (30 janvier 2013, n° 346683) et d’interpréter la loi française à la lumière du droit européen même dans l’hypothèse où elle serait clairement contraire à ce dernier. C’est en substance ce que proposait au Conseil Constitutionnel notre confrère et ami Philippe Derouin qui est intervenu dans l’une de nos QPC, mais que le Conseil a refusé de suivre au motif que sa demande revenait sur le caractère sérieux de l’affaire tel qu’il avait été apprécié par le juge du filtre.


La messe n’est pas encore totalement dite, mais elle paraît plutôt mal engagée…