On sait que pour être déductibles des bases de l’impôt sur les sociétés, les rémunérations de gérance doivent être fixées soit par les statuts, soit par une décision d’assemblée générale (Cass. com, n° 13-22.709, 20 janv. 2015).
Par mesure de simplicité, les SARL prévoient généralement que le gérant perçoit une rémunération mensuelle nette, la société prenant en charge ses cotisations sociales obligatoires et, en les listant, facultatives (mutuelle, retraite complémentaire, prévoyance).


Là où l’affaire se corse, c’est que depuis une dizaine d’années, les distributions de dividendes dont bénéficie le gérant sont soumises aux charges sociales sur les revenus d’activité et non sur les revenus du patrimoine lorsqu’elles dépassent 10 % du capital (et des comptes courants) qu’il détient dans la société. Cette règle avait été mise en place pour réprimer l’abus consistant, pour le gérant associé unique d’une SARL soumise à l’impôt sur les sociétés, à se rémunérer plutôt en dividendes qu’en revenus de gérance.


Lorsque la distribution excède le seuil des 10 %, elle est donc soumise aux charges sociales professionnelles et les contributions sociales sur les revenus du patrimoine (au taux de 17,2 %) qui ont été précomptées par la SARL sur le dividende (en même temps que le prélèvement fiscal de 12,8 %, l’ensemble formant la flat tax de 30 %) sont ensuite remboursées au gérant après réclamation.


Quel est donc le traitement fiscal pour la société des charges sociales professionnelles sur ces dividendes lorsque, comme c’est généralement le cas, elles sont comme les autres prises en charge par la société ? C’est la question que le sénateur Frassa a posée au Gouvernement le 31 août 2019 et à laquelle le ministre de l’économie a répondu le 3 septembre 2020 (Rép. min. n° 12909, JO Sénat 3 sept. 2020, p. 3900).


Le ministre commence par rappeler le régime social des dividendes versées par les SARL à leur gérant majoritaire. Il précise ensuite que les cotisations sociales sur les rémunérations de gérance majoritaire au sens large – on sort donc du champ de la question – peuvent être prises en charge par la société et qu’elles constituent alors un complément de rémunération déductible des bases de l’impôt sur les sociétés, conformément à l’article 211 du CGI.

Mais après avoir répondu à une question beaucoup plus large que celle qui lui était posée, le ministre ne s’arrête pas là et précise, sans doute emballé par sa générosité à reconnaître le caractère déductible de la dépense, que cette dernière constitue un complément de rémunération « imposable à l’impôt sur le revenu au nom du dirigeant dans les conditions de droit commun prévues à l’article 62 du CGI ».


Et c’est là que le bât blesse. Non, Monsieur le Ministre, la prise en charge de ces cotisations sociales par la société, si elle constitue bien un complément de rémunération pour le gérant, n’en est pas pour autant imposable entre ses mains.


En effet, l’article 62 du CGI nous dit que… « le montant imposable des rémunérations visées au premier alinéa est déterminé, après déduction des cotisations et primes mentionnées à l’article 154 bis, selon les règles prévues en matière de traitements et salaires ».


Si ces cotisation sociales sont déductibles des bases de l’impôt sur le revenu du gérant, elles ne sauraient donc constituer un revenu imposable si elles sont prises en charge par la société.


Un petit exemple chiffré (et volontairement très simplifié) illustrera notre propos. Imaginons deux SARL qui rémunèrent leur dirigeant pour le même montant de 100, mais dont l’une déciderait de prendre en charge ses cotisations sociales professionnelles et l’autre de lui en laisser la charge mais de lui verser une rémunération supérieure lui permettant de les acquitter.


Le premier va percevoir un revenu net de 100, mais avec les charges sociales qu’elle versera directement aux organismes sociaux, il va coûter 130 à sa SARL. Quant au second, la société lui versera 130 avec lesquels il paiera 30 de charges sociales déductibles. Dans les deux cas la SELARL déduira 130, mais dans le premier cas, si l’on en croit le ministre, le gérant sera imposable sur 130 alors que dans le second il ne sera taxable que sur 100. C’est absurde.


Le ministre aura mis plus de 10 mois pour non seulement répondre à côté de la question qui lui était posée, mais surtout pour proférer une ineptie. Espérons que cette malencontreuse réponse ne soit pas reprise au BOFiP, sans quoi les contentieux risquent de se multiplier…