Nous les avions pourtant bien prévenus : les chances pour les « écureuils cachotiers » (comme les appelle affectueusement notre ami Patrick Michaud) et autres « évadés fiscaux » (qualificatif peu flatteur utilisé par les journalistes) de passer au travers des mailles du filet qui n’allait pas manquer d’être dressé par le fisc après la campagne de régularisation ouverte par la Circulaire Cazeneuve  seraient très faibles.

Certains titulaires de comptes étrangers non déclarés ont tout de même tenté leur chance pour découvrir qu’effectivement, nous avions raison : grâce à la liste UBS, aux données collectées par le STDR, aux Echanges Automatiques d’Information et aux progrès de l’Intelligence Artificielle, l’administration fiscale est lentement mais sûrement en train de tous les aligner.

Toutefois, le malheur des uns faisant le bonheur des autres, des questions techniques nouvelles se posent au fiscaliste. Certaines sont même passionnantes. En voici une, qui porte sur la computation du droit de reprise de l’administration.

Les faits étaient les suivants : à la fin des années 2000, l’écureuil cachotier a transmis son compte bancaire en Suisse à son enfant, puis est décédé en 2016. L’enfant n’a pas régularisé et le compte est parti vers un ETNC pour échapper aux Échanges Automatiques d’Information. Malheureusement pour l’intéressé, la DNVSF en a eu vent et l’a contrôlé.

Il n’y a pas de débat sur le droit de reprise de l’administration concernant l’impôt sur le revenu et l’Impôt de Solidarité sur la Fortune, qui porte bien sur les 10 dernières années puisque le compte n’a pas été déclaré. En revanche, qu’en est-il des droits de succession ?

L’article L 181-0A du Livre des Procédures Fiscales dispose que… « (…) le droit de reprise de l’administration relatif aux impôts et droits qui y sont mentionnés peut s’exercer jusqu’à l’expiration de la dixième année suivant celle du fait générateur de ces impôts ou droits quand ils sont assis sur des biens ou droits mentionnés aux articles 1649 A (…) », c’est-à-dire sur des « comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger ».

Or, l’omission commise par le contribuable ne consiste pas en la non-déclaration d’un compte dont il aurait hérité, puisque ce compte lui ayant été donné du vivant de son auteur, il n’y avait aucun compte bancaire étranger à déclarer lors de sa succession. Le manquement qui peut lui être reproché est simplement l’omission du rappel fiscal, puisque conformément à l’article 784 du CGI, les biens donnés de manière non authentique (pas d’acte notarié) dont la mutation n’a pas été déclarée au service de l’enregistrement deviennent imposables lors de la mutation à titre gratuit officielle subséquente, en l’occurrence le décès du donateur.

Les lois dérogatoires étant d’interprétation stricte, c’est le délai normal de prescription de 6 ans plus l’année en cours visé à l’article L 186 du LPF qui est à notre avis applicable et non le délai spécial de 10 ans visé à l’article L 181-0A. Ce délai étant aujourd’hui dépassé, les droits de succession sont prescrits.

La question est aujourd’hui soumise à l’appréciation de la DNVSF. Espérons pour l’écureuil super-cachotier qu’elle saura se montrer bonne joueuse !