(CE 25 juin 2024, n° 474189)

On sait que le Conseil d’Etat, conformément à la position prise par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 22 avril 2016 (2016-538 QPC), considère que lorsqu’une plus-value sur valeurs mobilières et droits sociaux qui a été placée en report d’imposition avant le 1er janvier 2000 est devenue imposable entre 2013 et 2017, cette plus-value ne bénéficie d’aucun abattement pour durée de détention.

Toutefois, dans sa décision précitée, le Conseil Constitutionnel avait fixé au législateur l’obligation de tenir compte de l’inflation subie en réduisant la plus-value d’un coefficient d’érosion monétaire par une réserve d’interprétation rédigée comme suit : « que, par suite, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître l’égalité devant les charges publiques, priver les plus-values placées en report d’imposition avant le 1er janvier 2013 qui ne font l’objet d’aucun abattement sur leur montant brut et dont le montant de l’imposition est arrêté selon des règles de taux telles que celles en vigueur à compter du 1er janvier 2013, de l’application à l’assiette ainsi déterminéed’un coefficient d’érosion monétaire pour la période comprise entre l’acquisition des titres et le fait générateur de l’imposition ».

L’administration avait interprété cette décision comme permettant aux contribuables concernés de majorer leur prix de revient d’origine d’un coefficient d’érosion monétaire mais certains considéraient, sur le fondement d’une interprétation littérale de la décision, que c’est la plus-value brute elle-même qui devait être abattue dudit coefficient.

La Cour Administrative d’Appel de Paris avait, dans une décision du 17 mars 2023 (n° 21PA03742) contre laquelle le ministre se pourvoyait en cassation, appliqué cette interprétation littérale. Malheureusement pour le contribuable concerné, le Conseil d’Etat n’a pas été du même avis et, par la décision susvisée, a considéré comme l’administration que c’est seulement le prix de revient d’origine des titres apportés qui pouvait être réévalué.

Même si nous ne portons pas dans notre cœur le traitement fiscal de ces vieilles plus-values en report et combattons toujours vigoureusement devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme le fait qu’elles ne puissent pas bénéficier d’abattements pour durée de détention, nous reconnaissons à la décision rendue le bénéfice du bon sens.

Il restera cependant au contribuable concerné la possibilité, dans les 4 mois de cette décision, de saisir la CEDH pour obtenir plus que le coefficient d’érosion monétaire appliqué à son prix de revient : la condamnation de la France pour la discrimination par ricochet qu’il a subie du fait du refus de l’application, sur sa plus-value en report, des abattements pour durée de détention dont les contribuables qui ont réalisé des apports entrant dans le champ de la Directive « Fusions » pouvaient bénéficier en application de la jurisprudence de la CJUE.

Nous lui disons d’avance : « Bienvenue au club » !