On se souvient que nous avions déposé de nouveaux Recours pour Excès de Pouvoir devant le Conseil d’Etat pour invoquer contre la discrimination à rebours ou par ricochet subie par nos clients l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme en lien avec l’article 14 de la même Convention (https://blog.bornhauser-avocats.fr/2020/09/recours-pour-exces-de-pouvoir-contre-les-instructions-fiscales-inventaire-avant-fermeture/).


Nous en avions profité pour invoquer une jurisprudence récente de la CJUE qui semblait à notre avis valider la compétence de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne lorsque le droit interne avait transposé une Directive sans établir de distinction entre les situations purement nationales et celles régies par la Directive.


Le 17 mars 2021 avait lieu l’audience sur nos deux affaires. Ayant découvert sur Telerecours que le Rapporteur public, Karin Ciavaldini, allait conclure au rejet de nos deux requêtes, nous nous sommes rendus à l’audience le cœur battant pour comprendre les raisons de sa position.

Sur la question de l’application de la Charte, nous sommes restés sur notre faim, le Rapporteur ayant conclu à l’inapplication de cette dernière par renvoi à la décision rendue par le Conseil d’Etat le 1er juillet 2020 sur notre précédent recours. Nous regrettons qu’elle n’ait pas pris la peine de nous expliquer en quoi notre analyse de la décision de la CJUE 11 juin 2020 (aff. C-634/18, Prokuratura Rejonowa w Slupsku) était complètement à côté de la plaque (pardon, était inopérante), ce qui pourrait nous contraindre à demander à la Commission Européenne ce qu’elle en pense dans le cadre d’une plainte en manquement contre la France.


Madame Ciavaldini était en revanche bien moins affirmative sur la question de l’application ou non de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme. Elle a relevé que la question était inédite dans la jurisprudence de la Cour et que la réponse n’allait pas de soi.


Ceci étant dit, elle a proposé au Conseil de reconnaître un but légitime à la discrimination constatée. Pour cela, elle observe que la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) laisse aux États une marge d’appréciation plus importante en matière économique et sociale qu’en matière répressive.

La CEDH respecte en principe la manière dont l’Etat conçoit les impératifs de l’utilité publique sauf si son jugement se révèle « manifestement dépourvu de base raisonnable ».


Il lui suffisait ensuite de glisser ses pas dans ceux du Conseil Constitutionnel pour estimer que priver les contribuables de tout abattement pour durée de détention sur leurs plus-values en report constatées avant 2013 ne lui paraissait pas manifestement dépourvu de base raisonnable.


Mais avant de conclure au rejet de nos requêtes, le Rapporteur public a convenu qu’il fallait pour cela avancer sur un terrain en partie non balisé et a invité le Conseil d’Etat, s’il estimait ne pas disposer de suffisamment de points d’appui pour se faire, à saisir, comme nous le lui demandions, la CEDH d’une demande d’avis en application du 16ème Protocole additionnel.


Nous verrons dans quelques jours si le Conseil d’Etat rejette purement et simplement notre recours ou s’il saisit la CEDH – pour la première fois à notre connaissance – d’une demande d’avis.


Après être passé par le Luxembourg, il ne serait pas choquant que cette affaire fasse un crochet par Strasbourg…