Par une décision qui fera date car elle est la première du genre, le TGI de Lille accueille favorablement notre campagne Puma 1 (année 2016).
Le Juge s’est arrêté à notre premier moyen de nullité : l’envoi tardif de la cotisation au-delà de la date du 30 Novembre fixée par l’article R 380-4 du Code de la Sécurité Sociale. Ce retard entache l’appel de cotisation d’une nullité absolue. Le Tribunal tranche ainsi en notre faveur une importante question de procédure civile.


L’URSSAF ne contestait pas avoir adressé les appels de cotisation au-delà de la date butoir fixée par le texte. Mais elle soutenait que, disposant, selon l’article L 244-3 du Code, d’un délai de 3 ans pour recouvrer ses cotisations, elle avait pu s’affranchir sans dommage du respect du délai préfix.
L’URSSAF entretenait ainsi une confusion entre le délai de forclusion et le délai de prescription tous deux applicables à la matière. Le délai de prescription aurait avalé le délai de forclusion jusqu’à priver de ce dernier de toute sanction.


Nos interlocuteurs reprenaient ainsi les éléments d’un débat qui avait passionné les spécialistes de la Procédure Civile lors de la réforme de 2008 et qui avait animé un colloque à la Cour de Cassation un an plus tard.


Dans une intervention remarquée au titre suggestif (Le Nouveau Régime de la Prescription et de la Procédure Civile), le Professeur Fricero avait clairement établi la distinction entre délai de forclusion et délai de prescription. La forclusion est un délai court, fixé par la loi, qui oblige le titulaire du droit à exercer son action dans un certain délai. C’est donc un délai particulier qui ne peut se confondre avec le délai de prescription.


D’ailleurs, l’article 2220 du Code Civil indique que sauf exception, les règles relatives à la prescription ne sont pas applicables à la forclusion. A l’inverse du délai de prescription, le délai de forclusion ne peut, sauf exceptions légales, être suspendu ou interrompu. Mme Fricero relevait en particulier : « On considère que les délais préfix sont généralement brefs et qu’ils ne connaissent en principe aucune cause de suspension (ils sont immuables, préfixés par avance) et sont sanctionnés par une forclusion (ou déchéance, les termes sont analogues) qui s’impose au juge (et qui doit être relevée d’office parfois, art 125 CPC pour les délais d’exercice des voies de recours) parce que ces délais intéressent l’ordre public ».


Ces principes ont été appliqués depuis lors par la Cour de Cassation : une créance non prescrite ne peut faire l’objet d’une demande de recouvrement si le créancier, débouté en première instance, a négligé de former appel dans le délai de forclusion. L’absence d’action dans le délai imparti emporte déchéance du droit pour forclusion, même si ce droit n’est pas prescrit (Civ. 2e, 16 octobre 2014, n° 13-22.088). Et ces règles s’imposent à l’URSSAF (Cass. com., 1er octobre 2013, n° 12-20.229). Comme le relève un commentateur de cet arrêt, « L’Urssaf est un créancier comme les autres ! » (Lettre d’actualité des Procédures collectives civiles et commerciales n° 17, novembre 2013).


Le Juge de Lille a appliqué ces principes et c’est heureux : à quoi serviraient les règles de procédure si leur violation n’était pas sanctionnée ?


Le Jugement de Lille renforce les effets de la décision du Conseil Constitutionnel. Il affaiblit plus encore la PUMA qui reçoit ainsi un coup supplémentaire dont pourront bénéficier ceux des cotisants qui auront pris la précaution d’engager les bons recours et de soulever tous les moyens de notre couteau suisse (voir nos articles précédents).