(PLF 2024, article 3 octies)

On se souvient que nous contestions avec virulence le fait que pour les contribuables ayant quitté la France entre le 3 mars 2011 et le 31 décembre 2013, le dégrèvement qu’ils pouvaient obtenir au titre de leur impôt de sortie s’ils n’avaient pas cédé leurs titres au bout de 8 ans ne s’appliquait pas aux prélèvements sociaux. Et que jusqu’à présent, le juge fiscal est resté sourd à nos arguments (https://blog.bornhauser-avocats.fr/2023/04/prelevements-sociaux-et-exit-tax-le-juge-de-limpot-valide-le-dispositif/), nous obligeant à saisir le Conseil d’Etat.

Même si l’affaire semblait prometteuse pour l‘administration fiscale, qui pouvait se targuer d’avoir obtenu gain de cause devant le tribunal administratif de Montreuil et la Cour Administrative d’Appel de Paris, il semble qu’en haut lieu quelqu’un se soit enfin rendu compte de l’absurdité de cette règle et, surtout, de son caractère parfaitement contraire aux libertés de circulation communautaires.

Profitant de la discussion du projet de loi de finances pour 2023, un député de la Majorité, Matthieu Lefebvre, a déposé un amendement qui a été accepté par le Gouvernement introduisant un article 3 octies qui permet de corriger ce que l’exposé des motifs qualifie pudiquement « d’imperfection » du dispositif. Ainsi, les contribuables qui ont conservé leurs titres plus de 8 ans vont enfin pourvoir obtenir le dégrèvement des prélèvements sociaux de leur exit tax.

Pour les contribuables qui ont déjà obtenu le dégrèvement de la partie impôt sur le revenu de leur impôt de sortie, les demandes de dégrèvement des prélèvements sociaux vont devoir être introduites dans le délai prévu à l’article R 196-1 du Livre des Procédures Fiscales, soit avant le 31 décembre 2025 puisque l’événement qui motivera leur réclamation sera l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2024 (en supposant que celle-ci intervienne bien, comme c’est généralement le cas, d’ici la fin de cette année).

Le Gouvernement ayant pris l’habitude de dégainer l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire adopter ses textes budgétaires et les motions de censure déposées par l’Opposition ne recueillant pas les voix requises pour entraîner leur rejet, il est plus que probable que ce texte entrera bien en vigueur. Notre contentieux ne pourra donc plus prospérer et si nous ne boudons pas notre plaisir de l’avoir gagné par forfait, nous ne pouvons nous empêcher de regretter que l’autre question que nous posions au Conseil d’Etat, à savoir la compatibilité avec le principe de confiance légitime européen de l’effet rétroactif de l’exit tax aux départs intervenus à compter du 3 mars 2011 mais avant la publication de la loi, ne connaisse pas de réponse claire et définitive.

Mais après tout, le fait qu’elle conserve un peu de mystère ne fait qu’augmenter le charme de la fiscalité française…