On sait que pour le calcul du plafonnement de l’ISF en fonction du revenu, l’article 885 V bis du CGI prévoit la prise en compte des revenus exonérés, ce qui est logique puisque ces derniers participent bien de la capacité contributive du contribuable.

Lorsque le revenu est une plus-value bénéficiant d’abattements pour durée de détention, c’est donc le montant de la plus-value avant abattements fiscaux qu’il convient de prendre en compte pour le calcul du plafonnement.

Or, le mode de détermination de la plus-value brute prévu par la loi, tant pour les plus-values mobilières qu’immobilières, souffre d’un défaut conceptuel majeur : le législateur ayant prévu l’application d’abattements pour durée de détention, il a estimé inutile de permettre la revalorisation du prix d’achat du bien ou titre pour permettre la prise en compte de l’érosion monétaire. Si cette approche n’est pas discutable pour l’assiette de l’impôt sur le revenu, elle l’est beaucoup plus pour le calcul du plafonnement.

En effet, dans plusieurs décisions rendues en matière de plus-values, le Conseil Constitutionnel a décidé qu’était inconstitutionnelle pour violation du principe d’égalité devant les charges publiques une législation qui taxait une plus-value au barème progressif sans lui faire bénéficier d’un abattement pour durée de détention ou, à tout le moins, d’un correctif pour prendre en compte l’érosion monétaire (pour les plus-values immobilières : n° 2012-DC du 29 décembre 2012 sur les plus-values sur terrain à bâtir ; pour les plus-values mobilières : n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016 sur les plus-values en report constatées avant 2000 et devenant imposables après 2012).

L’un de nos clients a réalisé une plus-value immobilière qui était exonérée d’impôt sur le revenu grâce aux abattements pour durée de détention, le bien ayant été acquis depuis plus de 30 ans. Toutefois, la date d’acquisition étant très ancienne, une plus-value brute apparaissait mécaniquement et avait été déclarée comme telle par le notaire dans l’acte de cession. Utilisant cette information pour intégrer la plus-value brute dans le revenu fiscal de référence du contribuable, l’administration a donc remis en cause le plafonnement de son ISF dont il avait bénéficié.

Cependant, compte tenu précisément de l’ancienneté de l’acquisition (une donation dans les années 70), à une époque de forte inflation, la prise en compte de l’érosion monétaire aboutissait à constater au contraire une moins-value.

Afin d’accélérer la résolution de ce litige, nous allons déposer prochainement dans l’intérêt de notre client un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat contre l’instruction commentant l’article 885 V bis du CGI (BOI-PAT-ISF-40-60, n° 160 et 170, 8 janvier 2014), assorti d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité dont nous espérons bien que le Conseil  d’Etat la transmettra au Conseil Constitutionnel. Ce dernier devrait valider la loi avec la réserve d’interprétation qu’il a émise dans toutes ses décisions en matière de plus-values mobilières, à savoir la nécessité de prendre en compte l’érosion monétaire pour l’appréciation des facultés contributives du contribuable.