On se souvient de la rocambolesque affaire de la liste volée par l’informaticien Falciani à la filiale genevoise de la banque HSBC, qui avait entraîné en 2009 un vaste mouvement de régularisation dans le cadre de la première cellule dite « de dégrisement » ou « cellule Woerth », du nom du ministre du Budget de l’époque.


Malgré les promesses d’un traitement favorable de leur situation, un petit nombre de contribuables ont préféré faire de la résistance en refusant de se régulariser tant qu’il était encore temps. Après avoir proposé la carotte, le fisc a fini par sortir le bâton et les a redressés en se fondant sur les éléments volés par Falciani et poursuivis au pénal pour fraude fiscale.


La stratégie des intéressées était la suivante : les informations bancaires ayant été volées par Falciani, elles ne pouvaient, selon une jurisprudence constante de la chambre commerciale de la Cour de cassation (par ex. : Cass. com. 31 janvier 2012, n° 11-13.098 et 11-13.097) confirmée par le Conseil Constitutionnel (4 décembre 2013, n° 2013-679 DC), être utilisées pour fonder un redressement. Et sans redressement, les poursuites pénales ne pourraient pas prospérer malgré la position divergente de la chambre criminelle, dont on pouvait par ailleurs espérer qu’elle s’aligne sur celle de la chambre commerciale. Nous avons exposé cette thèse plus en détail ici : https://blog.bornhauser-avocats.fr/index.php/2015/05/07/le-veritable-enseignement-de-laffaire-ricci/

Malheureusement, les choses ne se sont pas passées comme prévues. Sans remettre en cause sa jurisprudence sur les pièces d’origine illicite, la chambre commerciale de la Cour de cassation vient, par un arrêt du 16 décembre 2020 (n° 18-16.801), de faire un sacré pied-de-nez aux contribuables figurant sur la liste HSBC qui ont fait leur mauvaise tête, en validant les redressements pour un motif qui ne manque pas de sel. Jugez plutôt.


Les pièces copiées par Falciani n’ont pas été remises par ce dernier au fisc français, mais ont été saisies par la justice dans le cadre d’une commission rogatoire internationale à la demande de la banque HSBC qui avait porté plainte pour vol contre Falciani. Une fois saisies, elles ont été transmises par le procureur au fisc français qui les a utilisées pour redresser les contribuables récalcitrants.


La Cour en a conclu que l’administration française les avait donc reçues tout à fait légitimement de la justice française saisie par la justice helvétique, leur origine délictuelle ayant en quelque sorte été « blanchie » par ce tour de passe-passe. Et la Cour d’observer avec gourmandise qu’il n’était pas établi que le fisc aurait confectionné les pièces litigieuses ni participé directement ou indirectement à leur production, le rapprochement et le décryptage des données informatiques ne pouvant s’analyser comme une confection d’éléments de preuve par une autorité publique.


En conclusion, c’est la banque HSBC elle-même qui, en portant plainte contre Falciani, a permis au fisc français d’utiliser les données volées contre ses clients ! Décidément, qui trop embrasse mal étreint…

mbornhauser@bornhauser-avocats.fr