Sanction pour non-déclaration des comptes étrangers : l’amende proportionnelle a eu moins de chance que l’amende forfaitaire.
On se souvient que par une décision n° 2015-481 QPC du 17 septembre 2015, le Conseil Constitutionnel a validé l’amende forfaitaire de 1.500 € et 10.000 € pour non-déclaration des comptes étrangers, en considérant que le montant de la sanction, même s’il pouvait être très important en proportion du montant figurant sur le compte non-déclaré, n’était pas excessif au regard du comportement qu’elle visait à réprimer.
Lorsque nous avions plaidé cette QPC, nous avions attiré l’attention du Conseil sur le fait que depuis (en 2012), l’amende forfaitaire était devenue proportionnelle au taux de 5 % au delà d’un solde bancaire de 50.000 € et que cette caractéristique nouvelle allait soulever des problèmes de proportionnalité que nous lui proposions de régler par anticipation en autorisant le juge à moduler le montant de l’amende forfaitaire.
Nous n’avions pas été entendus mais le problème que nous pointions était bien réel et ce fut avec une certaine surprise que nous avons vu que la QPC que le Conseil d’Etat a transmis au Conseil Constitutionnel envisageait l’inconstitutionnalité de l’amende proportionnelle de 5 % sous l’angle exclusif de son cumul avec l’amende de 750 € instituée pour la même infraction par l’article L. 152-5 du code monétaire et financier. Non que l’argument fut inopérant, bien au contraire, mais la question de la proportionnalité de la peine nous semblait prépondérante.
C’est d’ailleurs ainsi que l’a entendu le Conseil Constitutionnel puisqu’il a soulevé cette question d’office pour décider le 22 juillet 2016 que 5 % du montant du compte constituait une sanction manifestement disproportionnée pour un simple manquement à une obligation déclarative (décision n° 2016-554 QPC).
Il convient maintenant d’examiner la portée de cette décision dont le Conseil a refusé de restreindre l’application dans le temps et qui s’applique pleinement et donc rétroactivement aux situations en cours. Et parmi celles dignes d’intérêt figurent en premier lieu le cas des nombreux contribuables qui ont profité de la Circulaire « Cazeneuve » pour régulariser leur situation.
Ceux qui ont d’ores et déjà signé une transaction et acquitté le montant de l’amende proportionnelle minorée à 1,5 % ou 3 % du solde de leurs comptes selon qu’ils étaient qualifiés de « passifs » ou de « actifs » par la Circulaire ne peuvent hélas espérer en obtenir le remboursement. En effet, en concluant une transaction avec l’Etat il ont en contrepartie renoncé à contester les amendes transigées, de sorte qu’ils ne peuvent plus former aucune réclamation contre elles.
A l’inverse, ceux dont le dossier est toujours enlisé auprès du STDR ne devraient se voir infliger que l’amende forfaitaire qui, rappelons-le, n’est plus que de 1.500 € pour les comptes suisses depuis l’année 2010 puisque l’échange de renseignements bancaires est devenu applicable avec la Suisse à compter de cette date. Bien entendu, pour les très très petits comptes, cette amende forfaitaire pourra être réduite aux taux prévus par la Circulaire « Cazeneuve ».
Entre les deux catégories, on trouve les contribuables qui viennent de recevoir une proposition de transaction à laquelle ils ont trente jours pour répondre ou la renvoyer signée. Ils ont tout intérêt à formuler dans ce délai des observations pour contester l’application de l’amende proportionnelle au-delà du montant forfaitaire.
Plus délicate est la situation des contribuables qui ont renvoyé à l’administration la transaction signée. Si l’administration a déjà apposé sa signature avec une date antérieure à la décision du Conseil Constitutionnel, ils sont à notre avis dans le cas des contribuables qui, ayant bénéficié d’une transaction en vigueur à la date de la décision, sont privés du droit de contester l’amende.
En revanche, ceux qui viennent tout juste d’envoyer leur transaction peuvent tenter de contacter l’administration fiscale pour revenir sur leur acceptation concernant l’amende. En effet, tant que l’administration n’a pas signé la transaction, celle-ci n’est toujours pas en vigueur. L’idéal serait toutefois que l’administration confirme rapidement qu’elle ne signera pas les transactions non encore traitées à la date de la décision du Conseil Constitutionnel. Procéder autrement reviendrait d’ailleurs à appliquer sciemment une loi anticonstitutionnelle, ce qui constituerait à notre avis une voie de fait, voire le délit de concussion.
Reste le cas des contribuables qui se sont vus appliquer l’amende pour non-déclaration d’un trust étranger. Il ne fait guère de doute que la constitutionnalité de cette amende prévue par l’article 1736 IV bis du CGI est très largement fragilisée par la décision n° 2016-554 QPC puisqu’elle présente les mêmes caractéristiques en pire : son taux, qui était de 5 % des actifs trustaux en 2012, a été porté à 12,5 % en 2013 (taux réduits 3,75 % et 7,5 % par la Circulaire « Cazeneuve 2 »), soit plus du double de celui de l’amende qui vient d’être sanctionnée !
On aimerait que l’administration accepte de tirer spontanément les conséquences de la décision qui vient d’être rendue pour l’amende relative aux trusts mais il est plus probable qu’il faille pour cela attendre que le Conseil Constitutionnel se prononce. Notre cabinet va donc pour cela accompagner ses clients concernés dans le dépôt d’un Recours pour Excès de Pouvoir contre les commentaires administratifs relatifs à cette amende figurant au BOI-PAT-ISF-30-20-30 n°380, 01-07-2015 auquel nous joindrons une demande de QPC dont nous imaginons mal qu’elle ne soit pas couronnée de succès.